La chambre sociale de la Cour de cassation requalifie le contrat de partenariat d'un chauffeur Uber en contrat de travail

Initiateurs:
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Date of decision:
03/04/2020
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Cette décision est la seconde que la chambre sociale de la Cour de cassation rend à propos des travailleurs des plateformes, après l’arrêt prononcé dans l’affaire Take Eat Easy (Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.079). Elle rejette un pourvoi contre une décision ayant admis une demande de requalification. L’arrêt a fait l’objet d’une forte motivation, avec publication pour la première fois d’un communiqué de presse en anglais.

La Cour de cassation a analysé très concrètement et très classiquement la relation qui unit les chauffeurs à la plateforme Uber et a conclu à l'existence d'un lien de subordination juridique lorsqu'ils sont connectés. La Cour de cassation a énoncé que les critères du travail indépendant tiennent notamment à la possibilité de se constituer sa propre clientèle, la liberté de fixer ses tarifs et la liberté de définir les conditions d’exécution de sa prestation de service. A l’inverse, dans le cadre d’un contrat de travail, le lien de subordination repose sur le pouvoir de l’employeur de donner des instructions, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le non-respect des instructions données (selon une jurisprudence constante de la Cour (Soc., 13 nov. 1996, no 94-13187, Bull. V no 386, Société générale). Selon cette même jurisprudence, peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution. Pour la cour de cassation, le chauffeur qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport. L’itinéraire lui est imposé par la société et, s’il ne le suit pas, des corrections tarifaires sont appliquées. La destination n’est pas connue du chauffeur, révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la course qui lui convient. Par ailleurs, à partir de trois refus de courses, la société Uber peut déconnecter temporairement le chauffeur de son application. En cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements problématiques », le chauffeur peut perdre l’accès à son compte. Enfin, le chauffeur participe à un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice.
Ainsi, pour la Cour, l’ensemble de ces éléments caractérise l’existence d’un lien de subordination entre le chauffeur et la société Uber lors de la connexion à la plateforme numérique, son statut d’indépendant n’étant que fictif. Le fait que le chauffeur n’ait pas l’obligation de se connecter à la plateforme et que cette absence de connexion, quelle qu’en soit la durée, ne l’expose à aucune sanction, n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination.

Un chauffeur, après la clôture définitive de son compte par la société Uber BV, avait saisi en juin 2017 la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail. La cour d'appel, par un arrêt infirmatif du 10 janvier 2019 , avait jugé que le contrat de partenariat signé par le chauffeur et la société Uber BV s'analysait en un contrat de travail et avait renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes afin qu'il statue au fond sur les demandes du chauffeur au titre de rappel d'indemnités, de rappel de salaires, de dommages-intérêts pour non respect des durées maximales de travail, de travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse. Uber avait formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris.

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